Interview #19 đ Luce.
« Réalité pour
moi, utopie
pour
les autres.
Chacun voit les choses à sa façon.
à chacun sa perception.»
Deux ans apreÌs avoir interviewveÌ Luce ici aÌ Nusa Lembongan, je vous partage aujourdâhui enfin quelques bribes de son parcours, constelleÌ dâamour, dâimpreÌvus et de mini-vies âš On sâest dâailleurs beaucoup amuseÌ aÌ employer ce terme aÌ reÌpeÌtition au fil de notre conversation. Mini-vie. Parfait reflet de tous les chapitres quâelle a eÌcrits, ce mot qualifie avec acuiteÌ les eÌveÌnements qui se sont succeÌdeÌs lors de ces dernieÌres anneÌes đ
Car lorsquâelle a quitteÌ son nid bordelais, cette demoiselle au sourire lumineux eÌtait loin de se douter quâelle vagabonderait ainsi, aussi librement et aussi facilement âïž VeÌritable oiseau voyageur reÌveur, Luce a su battre des ailes pour sâeÌloigner au mieux de ses peurs, de sa zone de confort et des craintes exteÌrieures que lâon tente de nous imposer aÌ tort đ
đŒââïž
Plus les pages de son passeport heÌritaient de nouveaux tampons, plus sa confiance se renforçait. ThaĂŻlande, Laos, Cambodge, AmeÌrique du Sud : chaque destination a tatoueÌ en elle une expeÌrience singulieÌre, faisant dâelle une femme encore plus curieuse, nomade et amoureuse de la vie đ„° De quoi en eÌtre fieÌre đȘđœ
En posant ses bagages aÌ Bali, masque et tuba sur le visage, bouteille sur le dos, Luce pressentait que lâoceÌan lâattendrait avec impatience. Fascinant de beauteÌ, il lui a offert une symbiose de couleurs, de coraux et de courants avec geÌneÌrositeÌ đ Lieu de travail aÌ temps plein, ce paysage quâelle a tutoyeÌ au quotidien lui a eÌgalement permis de sympathiser avec une panoplie dâopportuniteÌs et de personnes. Elle confirme 'On est toujours au bon endroit au bon moment' đ«
Et sâil y a bien une chose quâelle a apprise ici, câest la notion de laÌcher-prise. Entre la culture balinaise et la plongeÌe, entre terre et mer, ces deux environnements compleÌmentaires si apaisants et deÌpaysants ont deÌfinitivement redeÌfini sa façon de profiter de lâinstant preÌsent đđ»đ
Sâil y a bien un nom fĂ©minin qui grippe les conversations depuis des gĂ©nĂ©rations, câest celui-ci : rĂ©alitĂ©. Ce qui est certain, câest que chacun la dĂ©finit et la vit Ă sa façon. Mais ce qui lâest moins, câest la maniĂšre dont les individus vont (ou non) lâaccepter đ€
Il y a quelques annĂ©es, Luce passait ses journĂ©es en altitude Ă travailler dâarrache-pied (dans une cuisine oĂč la tempĂ©rature excĂ©dait les 40 degrĂ©s) pour ainsi financer son prochain billet dâavion ; destination sa future vie Ă lâĂ©tranger. Elle se rappelle de certains commentaires, qualifiant son projet dâutopiste đ
Parce que nous sommes enfermĂ©s dans des codes passĂ©istes, il est trĂšs souvent difficile de dĂ©fendre SA rĂ©alitĂ© sans se voir faire administrer une petite leçon de vie (sous couvert de bienveillance) đBeaucoup pensent quâelle est temporaire ou extra-scolaire (Luce se souvient de ces mĂȘmes questions Ă rĂ©pĂ©tition 'Câest pas bientĂŽt fini les vacances ?' ou 'Tu rentres quand ?') đŽ Beaucoup la fantasment, la critiquent, lâencouragent ou lâenvient ('Jâaimerais avoir le courage de faire comme toi').
Mais cette rĂ©alitĂ© est Ă gĂ©omĂ©trie variable. Câest lâaventure de toute une vie qui se construit sur-mesure. Ce qui fonctionne pour soi ne fonctionnera pas obligatoirement pour sa meilleure amie. On compose cette rĂ©alitĂ© Ă notre façon, telle une extension de notre personnalitĂ© âš
Alors que cette notion Ă deux dimensions Ă©tait dĂ©jĂ bien assez compliquĂ©e, Instagram est venu altĂ©rer son aspect, sans pudeur et sans filtre đ± FaussĂ©e Ă travers le prisme des rĂ©seaux sociaux, la rĂ©alitĂ© souffre dâune distorsion gĂ©nĂ©ralisĂ©e. « Ce nâest pas parce que tu publies quelque chose de beau que tu vas forcĂ©ment bien » ajoute Luce.
Libres dâinterprĂ©tation, les photos sont susceptibles de raconter une histoire bien diffĂ©rente de la rĂ©alitĂ© arpentĂ©e đ
đŒââïž Il peut exister un vĂ©ritable Ă©cart entre le joli coucher de soleil postĂ© et le fait dâĂȘtre seul sur une plage Ă le contempler, loin de sa famille et de ses amis. Voici lâillustration mĂȘme de l'ambiguĂŻtĂ© de la rĂ©alitĂ©.
Vivre les pieds dans le sable, sillonner le Portugal en van, boire des verres entre copains Ă Paris, se reconvertir et ouvrir un petit resto Ă Bordeaux : vivons la rĂ©alitĂ© qui nous satisfait rĂ©ellement đđ» Nul besoin de faire semblant pour simplement plaire Ă dâautres ou de copier-coller la rĂ©alitĂ© de son voisin đ